LE SERVITEUR DE DIEU JANEZ FRANCISEK GNIDOVEC CM
Les jeunes années
Le 29 septembre 1873, à Veliki Lipovec (dans la paroisse d’Ajdovec à l’ouest de Novo mesto), naissait Janez Francisek Gnidovec. Il sera baptisé dans l’église paroissiale le lendemain.
Ses parents, des petits fermiers profondément chrétiens, lui enseignent l’amour de Dieu, des démunis, et la prière pour demander aide et soutien. Ils avaient l’habitude de prier le matin et le soir, avant les repas, et de réciter l’angélus le midi.
Janez F. Gnidovec n’a pas eu une enfance heureuse. Il n’a que sept ans à la mort de sa mère. Dès son jeune âge, il doit travailler à la ferme, s’occupant surtout des quelques vaches et cochons. Il apprend ainsi à gagner son pain et à travailler de ses mains.
À sept ans, il commence l’école élémentaire d’Ajdovec, laquelle n’offre que la classe de première année. Il poursuivra ses études à Novo mesto et sera un brillant élève. Pour subvenir à ses besoins et ne pas surcharger son père, il donne des cours particuliers à d’autres étudiants. Il termine ses études en 1892 avec grande distinction.
L’école que fréquentait Janez F. Gnidovec était dirigée par les Franciscains. Leur exemple et leur enseignement l’aident à grandir dans la foi. C’est à cette époque qu’il commencera à visiter quotidiennement le Saint-Sacrement.
Appel au sacerdoce
En février 1892, son père meurt. Le curé de la paroisse est la seule personne vers qui il peut se tourner pour être conseillé. Après avoir prié et discuté de sa foi avec le curé afin d’être éclairé sur son avenir, Gnidovec se rend à Ljubljana (la capitale de la Slovénie) où il entre au séminaire diocésain pour poursuivre ses études théologiques et devenir prêtre. Encore une fois, il excelle dans ses études. Il travaille dur pour se préparer à sa vocation.
Travail pastoral
Il est ordonné prêtre le 23 juin 1896. Peu après, il se retrouve dans une paroisse comme assistant, où il travaille avec zèle. Les paroissiens réalisent que leur nouveau prêtre est un homme de prière et d’action. S ‘il n’est pas dans le bureau, on le trouve à l’église ou à visiter les malades et les vieillards. Un saint homme, affirment les gens! Il restera peu de temps dans ce travail pastoral.
Retour aux études
L’évêque de Ljubljana, Mgr Anton B. Jeglic, avait fondé le premier internat classique de langue slovène. Il souhaitait les meilleurs professeurs et éducateurs. Mgr Jeglic envoie Gnidovec à Vienne en 1899 pour étudier les langues. Gnidovec poursuit ses études, tout en accomplissant un ministère pastoral auprès des travailleurs slovènes appelés « vendeurs de châtaignes rôties ». Il reçoit son diplôme en 1904. Pendant un an, il enseigne le catéchisme dans une école supérieure à Kranj (Slovénie).
Professeur
En 1905, Gnidovec devient professeur au collège classique diocésain et recteur de l’institution. Il est aimé et respecté pour son savoir et sa personnalité. Des professeurs et des étudiants se modèlent sur lui.
Durant la Première Guerre mondiale, une partie du collège est transformée en lazaret. Gnidovec visite les soldats blessés presque quotidiennement, leur apportant de l’encouragement et les sacrements. Des soldats hongrois se trouvant parmi les blessés, il apprend à parler cette langue afin de mieux les aider et les servir.
Entrée dans la Congrégation de la Mission
Pourtant, Gnidovec ne trouve ni la paix intérieure ni l’épanouissement dans sa tâche d’enseignant et son rôle de leadership. Son cœur demeure auprès des pauvres et des malheureux à qui il désire apporter l’amour de Dieu et la Bonne Nouvelle. Combien de temps aura-t-il médité et réfléchi avant d’entrer dans la Congrégation de la Mission (Lazaristes) ? Le 6 décembre 1919,
il fait ses adieux aux professeurs et aux étudiants, et le lendemain, 7 décembre, il est admis et commence son seminarium internum (noviciat). Le Supérieur provincial, dans sa lettre au Supérieur général, s’exprime ainsi à propos du nouveau membre : « Gnidovec est un homme énergique, toujours prêt à travailler, un saint d’après ses confrères. »
Sa spiritualité est reconnue et il est nommé assistant du directeur du seminarium internum. Il aspire à rejoindre les confrères dans des missions populaires. Encore une fois, sa mission dans la province de Yougoslavie (maintenant la province de Slovénie) sera de courte durée.
Nomination épiscopale
D’une grande humilité, le Père Gnidovec n’a jamais voulu impressionner en raison de son grade de l’Université de Vienne ou de recteur au collège diocésain.
Lorsque l’évêque de Ljubljana demande à le voir, il appréhende et redoute grandement la signification de cet appel. Malgré tout, il accepte la nomination et est ordonné évêque le 30 novembre 1924. Ceux qui le connaissent ne sont pas surpris du choix de Gnidovec comme évêque.
Peu après l’annonce officielle de sa nomination au sein du clergé diocésain de Skopje, l’un des prêtres, voulant mieux connaître le nouvel évêque, demande : « Est-il (Gnidovec) un homme d’une grande piété et d’une grande patience ? Devant la réponse affirmative, le prêtre en question dira : « Souhaitons la bienvenue à notre nouvel évêque ! »
Diocèse de Skopje
Le diocèse de Skopje, dans le sud de la Serbie, (aujourd’hui la Macédoine, le sud de la Yougoslavie et la région du Kosovo), était une véritable diaspora. Les catholiques étaient minoritaires, tandis que les orthodoxes comptaient 50% de la population et les musulmans 40%. Il est difficile d’imaginer leur façon de vivre après la guerre des Balkans (1912-1914) et la Première Guerre mondiale. Les tensions politiques, ethniques et religieuses étaient palpables.
N’étant ni Serbe, ni Croate, ni Albanais, mais Slovène, on pressentait que Mgr Gnidovec serait le meilleur choix. De plus, c’était un homme doué en langues, édifiant et humble, un travailleur acharné et persévérant.
Une petite église lui sert de cathédrale, et il utilise un bâtiment adjacent à la fois comme presbytère, chancellerie et résidence. Tout manquait dans son diocèse : les prêtres, les églises et les chapelles.
Séminaire
Comme pasteur d’un diocèse si diversifié et si démuni, sa grande priorité est le séminaire. Il sait que le travail pastoral ne pourra se réaliser qu’avec des prêtres bien formés et éduqués. Sans ressources disponibles, il devra repartir de zéro et « mendier ».
Pour atteindre ses objectifs, il doit recruter des prêtres. Il retourne donc en Slovénie où il rencontre des évêques et le Supérieur provincial de la Congrégation de la Mission pour leur réclamer des prêtres. Sa requête est accordée. Un bon nombre de confrères et des membres du clergé diocésain lui sont envoyés, et il reçoit de l’aide matérielle pour construire un séminaire.
Églises et chapelles
Plusieurs petites communautés catholiques de son diocèse ne disposent d’aucun lieu officiel pour le culte. Une maison privée ou une école servait d’église lorsqu’un prêtre venait célébrer la messe et entendre les confessions. Là encore, Mgr Gnidovec devra solliciter la permission et des fonds, et il frappera à la même porte plusieurs fois. Les fonctionnaires du gouvernement, des Serbes orthodoxes, ne souhaitent pas une église catholique dans leur environnement.
Charité
Une partie de la population de son diocèse vit dans la pauvreté et la négligence morale. Mgr Gnidovec ambitionne de leur offrir de l’aide à la fois spirituelle et matérielle. Certains fonctionnaires gouvernementaux n’arrivent pas à comprendre que l’évêque aide les pauvres et les mendiants, et on l’accuse même de « promouvoir » la paresse.
Assez tôt, les pauvres et les malheureux réalisent que l’évêque est empathique à leur situation et ils se retrouvent souvent devant sa porte. Mgr Gnidovec fait tout ce qu’il peut pour soulager leurs souffrances.
Congrégations et associations
De par son travail pastoral, bien qu’il ait été de courte durée dans les paroisses de Slovénie, Mgr Gnidovec avait appris que les jeunes et les adultes ont besoin de soutien et d’une meilleure connaissance de leur foi. Ce soutien était d’autant plus nécessaire en situation de diaspora. La Légion de Marie et autres semblables organisations se forment alors. Une personne très active dans la Légion de Marie à Skopje était une jeune fille, Agnes Bojaxhiu, qui deviendra Mère Teresa de Calcutta.
La Compagnie du Saint-Sacrement, l’Oeuvre du Sacré-Cœur, l’Action catholique prennent racine également.
La dévotion du premier vendredi et du premier samedi du mois est chère à son cœur. Conscient que la vie de foi ne grandit qu’au sein de familles animées de piété, l’évêque espère que les familles accepteront cette dévotion et prendront comme modèle la Sainte Famille.
Publication religieuse
Mgr Gnidovec essaiera de se faire proche de ses fidèles, mais ce ne sera ni facile ni simple de visiter les paroisses et les communautés catholiques. Pour se rendre dans certaines parties de son diocèse, il doit se déplacer soit à cheval, à bicyclette ou à pied.
Sa correspondance avec les prêtres est régulière, mais il sent bien que les fidèles sont laissés à eux-même. Comprenant l’importance des médias pour informer les fidèles et leur enseigner, il publie le 25 mars 1928, le premier numéro d’une nouvelle revue, Blagovijest (la Bonne Nouvelle).
Ljaramani (les catholiques secrets)
Dans les Balkans, sous l’Empire ottoman, la religion musulmane s’était répandue et la population fut forcée de l’adopter. Certains catholiques acceptaient la nouvelle religion, mais ceux qui s’objectaient à devenir musulmans vivaient une double-vie. En public, ils se conduisaient comme des musulmans, et en privé, comme des catholiques. Cette situation a persisté durant quelques siècles. Afin de trouver un prêtre catholique pour faire baptiser leurs enfants, ils devaient voyager de longues heures, et souvent des jours.
Après la Première Guerre mondiale, la liberté de religion est proclamée dans les Balkans de même qu’en Yougoslavie. Mais les ljaramani n’y croyaient pas et ils ont continué à pratiquer en secret en étant tantôt musulmans tantôt catholiques.
Mgr Gnidovec essaie de les aider à réaliser qu’ils n’ont plus rien à craindre. Il invite donc les ljaramani à son bureau pour leur parler et leur enseigner. En les visitant, il les encourage et les éclaire, car leur connaissance de la foi catholique est faible.
Œcuménisme
Puisque les catholiques de son diocèse sont en minorité parmi les orthodoxes et les musulmans, Mgr Gnidovec cherche à établir une bonne relation entre eux tous, et en particulier avec les chefs des deux religions principales. Le processus sera long et difficile, mais grâce à son honnêteté, sa bonté, sa déférence à leur égard, il saura gagner leur respect. Les Filles de la Charité suivent l’exemple de Mgr Gnidovec. Elles agissaient sans discrimination, et c’est pourquoi les musulmans les considéraient comme des anges.
Tel qu’il a déjà été mentionné, les séminaristes à Ljubljana, les paroissiens qu’il avait servis, les étudiants et les professeurs du collège, tous le considéraient comme « un homme de prière et un travailleur acharné ». Les prêtres de son diocèse ont une même opinion de lui.
Il célèbre la messe tous les jours et confesse les fidèles lorsqu’il est chez lui. Quand il visite une paroisse, il s’arrête en premier lieu à l’église paroissiale ou à la chapelle. Malgré sa fatigue après un long voyage, il passe des heures dans le confessionnal.
L’apparence de Mgr Gnidovec est celle d’un homme frêle. Jamais il ne pense à lui-même, et jamais il ne se plaint ni se sent fatigué devant sa tâche de veiller au bien-être matériel et spirituel de ses fidèles.
Ceux qui ne connaissaient pas bien Mgr Gnidovec auraient pu penser qu’il était un homme insouciant. Pourtant, lorsque les droits de la population et des fidèles étaient en jeu, il est déterminé à obtenir justice. Il n’hésitait pas à recourir aux plus hautes autorités dans ces cas-là.
Quand les prêtres s’inquiétaient de sa santé, il répondait toujours qu’il devait être fidèle à sa devise : « Se faire tout à tous ».
Durant l’année 1938, il fut souvent saisi de faiblesse. Sa fragilité est devenue évidente vers la fin de l’année. Il célébrera la liturgie de Noël avec grande difficulté. Après le nouvel an, il consent enfin à se rendre à Ljubljana pour des examens médicaux. Le diagnostic : une tumeur au cerveau. Hospitalisé durant un mois, et en dépit d’énormes souffrances, il ne se plaint pas. Sa mort survient le 3 février 1939, un premier vendredi du mois.
En apprenant son décès, les prêtres et la population du diocèse sont profondément attristés. Des gens ordinaires, et même des musulmans, diront de lui : « Un saint vient de mourir».
Mgr Gnidovec n’a jamais souhaité devenir célèbre ou être très connu. Il voulait plutôt que son nom soit écrit dans le Livre de la Vie.
Dieu, semble-t-il, a attribué deux tâches à Gnidovec : la première comme recteur du collège à Ljublijana et la seconde comme évêque à Skopje. Deux débuts difficiles pour Gnidovec..
Durant l’épiscopat de Mgr Jeblic, évêque de Ljubljana, Gnidovec a été un membre fondateur du premier collège classique slovène. Pendant quatorze ans, il s’est consacré à l’éducation et à la direction spirituelle des étudiants. Ces années lui ont permis d’approfondir sa spiritualité et de la propager dans le cœur des étudiants. Plusieurs en gardent un vibrant souvenir.
Jamais il n’avait songé à devenir une figure publique. En entrant dans la Congrégation, il aspirait à être un missionnaire ordinaire. Mais il ne pouvait se dérober à Dieu.
Devenu évêque, il acceptera le défi avec ferveur et zèle, et il travaillera sans relâche comme un vrai pasteur durant quatorze année. Les tensions et divisions entre catholiques, orthodoxes, musulmans, Serbes, Macédoniens et Albanais, souvent initiées par les fonctionnaires gouvernementaux, causeront beaucoup de souffrances à l’évêque Gnidovec. Mais malgré les difficultés, il restera fidèle à sa devise de « se faire tout à tous » et demeurera un vrai disciple de saint Vincent.
Le procès diocésain pour la cause de J.F. Gnidovec a commencé en 1978 et s’est terminée à Ljubljana en 1984. La même année, la documentation est envoyée à la Congrégation pour les causes des saints à Rome.
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